Rencontre avec Cynthia Fleury
Par Wilfried David, publié le dimanche 1 juin 2025 20:43 - Mis à jour le dimanche 1 juin 2025 20:45
penser le care comme exigence éthique et politique
Rencontre avec Cynthia Fleury : penser le care comme exigence éthique et politique
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Le 27 mai, 80 élèves de Terminale, accompagnés de leurs professeurs de philosophie ont eu l’opportunité exceptionnelle d’assister à une rencontre avec la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury. Ce moment intense s’est inscrit dans la continuité d’un travail mené en amont sur la notion de care, déjà explorée en forum par les autres classes de Terminale.
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Cynthia Fleury a proposé une plongée profonde dans l’histoire et l’actualité de cette notion venue renouveler notre manière de concevoir la responsabilité envers l’autre. D’abord pensé comme éthique du soin attentif, le care s’oppose à une vision purement technicienne du "cure" (soigner) pour mettre l’accent sur la prévention, l’accompagnement, la rééducation — autant de gestes qui relèvent d’une sollicitude durable.
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Dans un monde fragilisé par la crise écologique et traversé par des logiques extractivistes, Cynthia Fleury nous rappelle que "nous sommes dignes car génériques (en partage), mais aussi dignes car singuliers". La société actuelle, trop souvent centrée sur l’exploitation des ressources — humaines et naturelles — rend difficile un prendre soin soutenable.
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Son engagement personnel prend racine dans une pratique concrète : la philosophe a choisi de créer sa chaire de philosophie à l’hôpital Sainte-Anne, symbole d’une alliance entre le soin médical et l’attention philosophique. C’est dans cet espace que se pensent de nouvelles formes d’hospitalité, entre médecins et patients aimants.
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Le care, selon Fleury, comporte une troisième étape essentielle : une dimension politique. Il s’agit de reconnaître les vulnérabilités — parfois liées au genre, à la condition sociale ou physique — comme fondements de la dignité humaine, et non comme faiblesses à corriger. Ce message a pris une dimension particulièrement forte lorsque la philosophe a abordé la question de la dignité jusqu’à ses confins : le handicap, la maladie, la mort.
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Une idée clé a résonné pour beaucoup : "notre vulnérabilité est notre partage, non négociable". En cela, le care appelle chacun, et surtout notre société, à lutter activement contre les formes de stigmatisation — qu’elles touchent les personnes sans-abri, malades ou marginalisées — et à reconnaître dans chaque être humain une dignité inaliénable.
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Pour les élèves, cette rencontre restera un moment fort : une leçon de philosophie vivante, traversée par l’exigence.
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